Blockchain : Les NFT, buzzword ou révolution ? (2/2)
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LES NFT : révolution blockchain ou feu de paille ?

Il n’est pas envisageable de traiter cette note sur la Blockchain sans aborder le sujet du moment, celui qui défraie la chronique depuis le début de l’année : les non fungible tokens ou fameux NFT. Il faut dire que l’actualité récente à de quoi faire tourner les têtes. Les NFT, nifties pour les intimes, sont des jetons fondés sur le protocole blockchain Ethereum. Contrairement au Bitcoin ou à d’autres cryptomonnaies, les NFT sont réputés non fongibles.

On parle de fongibilité lorsqu’un actif peut être échangé contre un autre actif du même type et qu’aucune distinction entre les deux ne soit possible : un billet de banque, un bitcoin. Un actif non-fongible est à l’inverse un actif qui est unique, non reproductible, ni échangeable. En 2020, plus de 250 millions de dollars ont été échangés sur le marché des NFT, contre 63 millions de dollars en 2019, d’après un récent rapport de l’Atelier BNP Paribas. La valorisation de ce marché a augmenté de 138% entre 2019 et 2020, pour atteindre 338 millions de dollars.

Apparition et multiplication d’exemples NFT

Les NFT sont apparus en 2017 sur la plateforme Ethereum. Dès décembre 2017, les NFT font fureur grâce aux cryptokitties, ces chatons virtuels dont la popularité explose avant de connaître une chute vertigineuse tout aussi rapide. Depuis, les exemples n’ont cessé de se multiplier : Sorare, une start-up française créée en 2018, a lancé un jeu que l’on peut qualifier de Panini 2.0. L’objectif, collectionner et investir dans des cartes virtuelles de joueurs de football. Chaque carte virtuelle correspond à un NFT ce qui lui confère une valeur de marché. Cette valeur va fluctuer dans le temps en fonction des performances des joueurs sur les terrains de football du monde entier. Ainsi, en mariant collection et cryptomonnaie, Sorare offre la possibilité aux amateurs de spéculer sur l’éclosion de tel ou tel joueur.

crypto kitties - nian cat

Depuis, les initiatives se sont multipliées au point d’intéresser de plus en plus le monde de l’art. Comme les NFT, les œuvres d’art sont des biens non fongibles. Les créateurs et les professionnels de l’art ne s’y sont pas trompés. Les NFT permettent aux artistes de mettre une œuvre sur une blockchain qui sera alors certifiée unique et authentique et toute copie ou altération pourront être facilement déjouées par le caractère transparent et immuable de la blockchain. En effet, il est possible de distinguer un token d’un autre et d’associer chaque token à une information numérique (image, vidéo, musique, personnage de jeux vidéos, etc…).

Mais le véritable engouement ne concerne pas les oeuvres d’art classiques mais le monde des œuvres d’art numériques. Le 11 mars, une œuvre d’art digitale tokenisée (sous forme de NFT) a été acquise pour la somme astronomique de 69,3 millions de dollars. Everydays : The First 5 000 Days de l’artiste australien Beeple est un jpeg (une image numérique compressée) composé de 5000 images créées par l’artiste. Le token acquis lors d’une vente aux enchères chez Christie’s fait de l’œuvre d’art la troisième plus chère vendue par un artiste de son vivant ! Mais contrairement aux oeuvres de Koons et Hockney, les acquéreurs (Metapurse) ne possède pas physiquement l’œuvre qui reste disponible sur internet et peut être reproduite (comme c’est le cas ci-dessous).

illustration veille blockchain unitec - everydays Beeple

L’oeuvre numérique Everydays : The First 5 000 Days de l’artiste australien Beeple

 

Quatre questions à Florent Thurin, CEO de Stendhal, une startup spécialisée dans la tokenisation des oeuvres de Street Art et accompagnée par UNITEC.

Stendhal porte le projet Wallkanda une plateforme pour fédérer les artistes et les amateurs de street art.

  • Bonjour Florent, peux-tu rapidement nous présenter l’entreprise Stendhal ?

Stendhal est une jeune startup bordelaise qui, au travers de la Blockchain et des NFT, a pour vocation d’apporter de nouveaux moyens de rémunération aux artistes et, en particulier, aux artistes urbains. On se veut la boite à outil crypto des artistes de rue en quelque sorte.

  • On parle de plus en plus de cryptoart. En quoi cela consiste-t-il ?

Quand on parle de cryptoart aujourd’hui on parle surtout d’art dit « tokenisé » c’est-à-dire de l’art (principalement numérique) auquel on a rattaché un token qui fait office de certification d’authenticité et d’un canva programmable.

  • Les NFTs sont le buzzword du moment. A ton avis, assiste-t-on à l’émergence d’un nouveau phénomène ?

Le phénomène vraiment nouveau c’est la prise de conscience qu’un actif purement numérique peut avoir une valeur monétaire. Dans un monde d’abondance numérique ou le copier/coller est la norme, avoir des actifs rares, traçables et certifiables permet de contrecarrer les soucis qu’avait provoqué l’arrivé d’Internet aux industries créatives et aux créateurs de contenu.

Les NFT sont, en quelque sorte, un nouveau medium, purement numérique et donc programmable. Ce caractère programmable offre la possibilité de rendre une œuvre interactive à des données extérieures, personnalisable à qui la possède ou l’apprécie et permet même d’y rattacher des contrats de cession de droits afin de rajouter de la liquidité sur le marché de la propriété intellectuelle. Autre exemple, le droit de suite qui est obligatoire en France et très difficile à faire respecter est automatiquement appliqué dans le monde des NFT.

Derrière le buzzword du moment, il y a donc de vrais sous-jacents qui expliquent l’engouement actuel et qui permet déjà à de nombreux artistes d’en vivre.

  • Qu’est-ce que le street art et ses artistes auraient à gagner à s’y intéresser ?

Tout comme les artistes digitaux, cela fait 30ans que les street artistes œuvre pour l’art et la culture, passionnément, publiquement et gratuitement. Les street artists sont pour moi les premiers à mériter cette révolution financière qu’offre les NFT.

L’art urbain n’a pas vocation à être éternelle et c’est souvent son caractère éphémère qui le rend si poétique et impactant. Pourtant les artistes numérisent leur travail sur les réseaux sociaux en guise de souvenir ou de vitrine.

Tokeniser son œuvre sous NFT, c’est regagner la propriété sur la numérisation de son œuvre. Faire vivre son art au-delà des contraintes physiques en le rendant éternel et permettre d’ouvrir le marché auxquels ils n’ont jamais eu droit. C’est l’opportunité de collaborer avec d’autres genres et de se réinventer artistiquement.

Le NFT c’est le canva numérique que les artistes urbains ont toujours rêvé d’avoir sans même le savoir.

 

Quel intérêt, alors, à acquérir une œuvre d’art sous forme de NFT, s’il n’est pas possible de l’accrocher dans son salon et de la cacher au regard du reste de la population ?

L’intérêt n’est plus de posséder l’œuvre d’art pour elle-même mais d’en revendiquer la propriété. Grâce à la blockchain, les acquéreurs possèdent un certificat de propriété unique, certifié et protégé[1]. S’il peut exister sur le marché de l’art de fausses toiles de grands maîtres, sur le marché de l’art digital tokénisé, il n’existe qu’un seul Everydays : The First 5 000 Days. De plus, chaque NFT possède en lui d’autres informations comme la traçabilité du  créateur, celle des propriétaires successifs, de la date de création ainsi que l’historique de toutes les transactions. La valeur d’un NFT n’est pas dans le NFT lui-même mais dans l’ensemble des informations qu’il contient.

  • SuperRare est une plateforme d’enchères d’œuvres numériques sur laquelle les artistes digitaux peuvent vendre les NFT associés à leur création, souvent sous forme de Gif animés ou de jpeg.
  • Unique.Photo est une plateforme (en cours de lancement) proposée par Unique.One dont l’objectif sera de proposer aux photographes un lieu où ils pourront certificer leurs oeuvres sous forme de NFT (les $FOTO) qui pourront alors être acquis par des amateurs tout autour de la planète. Plus que la photo en elle-même c’est son titre de propriété (et son histoire) qui auront de la valeur.

Un actif spéculatif ?

Comme souvent avec les nouveautés dans l’univers de la cryptomonnaie, c’est l’aspect spéculatif qui l’emporte. Et les NFT n’échappent pas à la règle. Véritable bulle spéculative, le marché des NFT promet des rendements au-delà de l’imaginable. A l’image de la vente réalisée par Jake Dorsey, le PDG de Twitter. Ce dernier a, en effet, mis aux enchères son premier Tweet (« Je crée mon compte Twttr ») posté en 2006 sur la plateforme. Le tweet en question a été tokenisé sous la forme d’un NFT et peut être assimilé à un autographe. Le propriétaire du tweet acquiert « un certificat numérique du tweet, unique parce qu’il a été signé et vérifié par le créateur » précise la société sur sa page de questions-réponses. Pour le coquette somme de 2,9 millions de dollars.

Autre exemple d’un emballement, un clip de dix secondes montrant une action spectaculaire de LeBron James, star de la NBA, s’est vendu pour 208.000 dollars sur Top Shot fin février. Lancée début octobre par la société Dapper Labs, en partenariat avec la NBA, Top Shot permet d’acheter et de vendre ces extraits vidéos, appelés « moments », à des prix variables selon leur rareté. Depuis le début de l’année, Top Shot a généré plus de 200 millions de dollars de transactions, d’après une porte-parole de Dapper Labs.

Pour conclure :

Par le succès de certains projets, le potentiel de la technologie blockchain confirme pouvoir dépasser les enjeux des crypto monnaies. Si le secteur financier a été le premier à adopter la technologie et reste aujourd’hui celui dans lequel ses applications ont été le plus efficacement déployées, comme on l’a vu, celui de la logistique, de la santé et même ceux de la culture et administration commencent à s’y ouvrir. Verra-t-on l’apparition de crypto monnaies nationales ? La loi intégrera-t-elle le système des contrats intelligents ? Les NFT vont-ils devenir un nouveau modèle économique ? Âgée de presque 10 ans, la blockchain, quoi qu’en ayant fait ses preuves, se situe encore au stade de technologie émergente dont le futur est encore à écrire et dont les applications demandent temps et efforts.

 

[1] Même si tout n’est pas toujours très rose dans l’univers cryptographique des NFT.


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avril 9, 2024