Economie circulaire : un modèle de société plus vertueux
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La pandémie que nous traversons depuis dix-huit mois remet en cause de nombreuses certitudes liées à notre modèle de société. Économie, solidarité, gouvernance, des pans entiers de notre organisation sociale ont fait l’objet de propositions alternatives. Pourtant, certaines décisions ont clairement été prises à contre-courant des tendances que l’on voit émerger depuis quelques années. A titre d’exemple, la pandémie aura mis un coup de freins puissant aux politiques de retraitement des déchets plastiques, notamment aux Etats-Unis.

Par ailleurs, avant le déploiement à grande échelle des vaccins comme moyen le plus efficace pour lutter contre la propagation des virus, le masque (et plus particulièrement le masque chirurgical à usage unique) a été considéré comme la meilleure protection contre le coronavirus. La vente mondiale de masques est ainsi passée de 800 millions de dollars en 2019 à 166 milliards en 2020 et devrait encore être plus importante en 2021. La pandémie aura également entrainé une augmentation du commerce électronique (26.000 milliards de dollars de vente en ligne depuis le début de la pandémie !) et de la production de matières plastique à usage unique.

Économie circulaire : un modèle alternatif

A contrario, la grave crise que nous traversons aura mis en lumière les limites du modèle linéaire de production-consommation tel que nous le pratiquons depuis près d’un siècle : risques sur la chaîne d’approvisionnement, volatilité des prix, pressions sur les ressources naturelles. Le modèle linéaire a montré d’inquiétants signes de faiblesse et d’absence de résilience.

Ce constat met en exergue un modèle alternatif qui n’est certes pas nouveau mais qui, à la faveur de la crise actuelle, connait une médiatisation nouvelle. L’économie circulaire est de plus en plus plébiscitée par les consommateurs obligeant les entreprises à s’adapter et à tirer profit de ce « nouveau marché ». Selon une étude menée par Toluna pour Webloyalty, 67 % des Français ont l’intention de faire des achats d’articles de seconde main sur Internet en 2021. Ceci est confirmé par une étude Xerfi Precepta, selon laquelle le marché de l’occasion est en croissance régulière depuis la crise de 2008 et a généré dans l’Hexagone 7,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2020 (hors autos). De l’autre côté de l’Atlantique, la tendance est la même. 64% des ménages américains déclarent consommer des biens dits « durables » lorsque 69% des américains se disent prêts à payer plus cher pour obtenir des produits « eco-friendly »

Vers un changement de paradigme ?

En France, La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire de février 2020 entend « accélérer le changement de modèle de production et de consommation afin de limiter les déchets et préserver les ressources naturelles, la biodiversité et le climat ». Selon le texte de Loi, l’économie circulaire aurait un impact sur l’environnement via une réduction des émissions des gaz à effet de serre et par la préservation de la biodiversité. Elle aurait un impact aussi sur l’emploi puisque l’objectif est de créer 300 000 emplois supplémentaires, locaux et couvrant toute la palette de qualifications. Autre impact de la Loi, les collectivités devraient réaliser plus de 500 millions d’euros d’économies par an, grâce à la création de nouvelles filières pollueur-payeur et grâce aux différentes mesures de lutte et de résorption des dépôts sauvages, qui coûtent aujourd’hui de 340 à 420 millions d’euros par an aux collectivités. Enfin, cette Loi devrait repositionner la France sur la scène internationale en limitant sa dépendance aux matières premières.

Selon l’ADEME (agence de l’environnement et de maitrise de l’énergie), “l’économie circulaire vise à changer de paradigme par rapport à l’économie dite linéaire, en limitant le gaspillage des ressources et l’impact environnemental, et en augmentant l’efficacité à tous les stades de l’économie des produits.”

Le rôle des pouvoirs publics

L’économie circulaire engage tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement des biens et services depuis le producteur jusqu’au consommateur. Les pouvoirs publics ont également un rôle central à jouer dans la mise en œuvre du triptyque des 3R : Réduire, Réutiliser, Recycler.

L’économie circulaire se décline en trois domaines qui correspondent au cycle de vie du produit :

  • Le premier domaine concerne l’offre des acteurs économiques avec la problématique suivante : comment produire des biens qui tiennent compte des contraintes environnementales (comme l’épuisement inéluctable des matières premières non renouvelables) ;

  • Le second s’adresse aux consommateurs et tourne autour de la problématique d’une consommation éthique et responsable ;

  • Enfin le troisième domaine fait entrer en jeu les pouvoirs publics et les entreprises sur la question du recyclage ou du stockage des déchets.

Économie circulaire : piliers et domaines d’application

Source : ADEME

Cette vision de l’économie et du cycle de vie du produit repose sur sept piliers qui appartiennent aux trois domaines cités ci-dessus et impliquant l’ensemble des acteurs.

Les sept piliers de l’économie circulaire. Source http://www.agyre.com/

Les 7 piliers proposés par l’ADEME

Approvisionnement durable 

Selon l’ADEME, l’approvisionnement durable « concerne le mode d’exploitation/extraction des ressources visant leur exploitation efficace en limitant les rebuts d’exploitation et l’impact sur l’environnement pour les ressources renouvelables et non renouvelables. » Pour cela, les industriels sont appelés à définir le juste besoin et d’éviter le gaspillage.

Il s’agira donc :

    • d’exploiter les gisements de matières premières en totalité et de ne pas se contenter de les « écrémer » ;
    • d’exploiter les ressources renouvelables en tenant compte de leur capacité de renouvellement ;
    • de limiter les impacts sur l’environnement lors de l’exploitation ;
    • de remettre en état les sites après exploitation ;
    • et enfin, d’avoir recours le plus possible à des matières premières issues du recyclage qui montrent dans la quasi-totalité des situations un moindre impact sur l’environnement que l’équivalent de l’exploitation en matières vierges.

On le voit le cahier des charges d’un approvisionnement durable est assez drastique. Pour autant, cela n’empêche pas de nombreux acteurs d’intégrer cette démarche vertueuse dans leur stratégie de production. Danone, Nestlé ou encore Unilever sont des multinationales qui ont décidé d’intégrer le concept d’approvisionnement durable dans leur stratégie de développement. En tenant compte de l’impact environnemental et de l’impact social de leur industrie, ils participent, à leur échelle au développement de l’économie circulaire. On retrouve également cette notion dans la mode où la pression des consommateurs pour une mode durable et éthique prend de l’ampleur. Pour répondre à cette exigence, Fairly Made est une startup créée en 2015 dont l’objectif est d’aider les entreprises à développer des collections textiles durables en améliorant leur sourcing matière et en sélectionnant des chaînes de production traçables et engagées. Roquette, leader mondial des ingrédients d’origine végétale et des excipients pharmaceutiques naturels est également engagé dans une démarche d’approvisionnement durable : en sourçant les producteurs les plus vertueux, en économisant au maximum les ressources non renouvelables, en limitant la production de gaz à effet de serre, etc.

Autre point, l’approvisionnement durable met en avant le respect d’engagements sociaux envers les travailleurs des pays producteurs des matières premières. L’approvisionnement socialement durable est par exemple très présent dans l’univers du textile.

Enfin, l’approvisionnement durable ne concerne pas seulement les industries. Les collectivités sont également actrices dans ce domaine. On pense bien entendu à la politique de valorisation des circuits courts dans les cantines de l’Hexagone, favorisant ainsi l’utilisation de denrées produites localement. Drummondville, petite ville située au Québec, a, en début d’année, lancé une politique d’approvisionnement durable dont le but « est d’intégrer aux pratiques d’approvisionnement des critères facilitant l’achat de produits ou services plus performants sur le plan environnemental, social et économique. De plus, par l’implantation et la mise en œuvre de la pratique d’approvisionnement responsable, la ville désire sensibiliser les fournisseurs à se doter de démarches visant le développement durable. »

Eco-conception

Autre pilier de l’économie circulaire et qui se situe au début de la chaine, l’éco-conception peut être définie comme l’intégration de considérations environnementales dans la conception des produits. Cette intégration ne doit pas être comprise comme une contrainte par les entreprises mais comme une opportunité de création de valeur en participant :

  • A l’augmentation de la valeur de la société (par les résultats, par l’image associée)
  • A la réponse aux attentes des clients en produits innovants et respectueux de l’environnement et de la santé
  • En intégrant la notion de responsabilité sociétale de l’entreprise

L’éco-conception prend en compte l’ensemble du cycle de vie du produit, depuis sa conception jusqu’à sa fin de vie, en passant par son transport et son utilisation. En ce sens, la loi de 2020 renforce le concept de Responsabilité élargie du producteur (REP), définie comme l’ensemble des démarches et dispositifs qui restaurent la responsabilité du producteur de produits manufacturés pour ce qui concerne la gestion des déchets finaux ou intermédiaires générés par les produits qu’il a fabriqués ou mis sur le marché. Le périmètre de la REP est étendu de la fin de vie à la conception du produit. Les fabricants concevant leurs produits de manière écologique bénéficient d’un bonus sur la contribution qu’ils versent pour la gestion et le traitement de la fin de vie de leurs produits. A contrario, les fabricants n’intégrant pas l’éco-conception dans leur manière de produire voient cette contribution augmenter avec un malus.

Les exemples d’entreprises intégrant l’éco-conception dans leurs stratégies ne manquent pas. Cinq.M.C est une entreprise spécialisée la substitution des pièces métalliques par des pièces en matières plastiques composites. Son positionnement lui permet de proposer des produits éco-conçus comme des agrafes en matière biodégradable pour le paillage de plein air (BioFix®). La réflexion a tenu compte de l’importance prise par le tri sélectif dont le coût est de plus en plus élevé. La société a donc cherché une application dans laquelle la biodégradation permettrait de réaliser un produit jamais récupéré mais biodégradé. La fin de vie des BioFix® n’entraine aucune émission autre que du CO2, de l’eau et de matières organiques. Il n’y a pas de traitement à prévoir une fois les BioFix® biodégradées.

L’éco-conception passe également par une démarche de sourcing responsable. L’entreprise Taglan, en Alsace, propose du mobilier de jardin intégrant une approche éco-conçue. Pour cela, elle fabrique des produits en bois massif produit localement et de manière responsable. Les finitions sont également respectueuses de l’environnement et de la santé puisqu’elle a remplacé l’utilisation de vernis à base de solvants par des huiles naturelles n’émettant aucun Composés Organiques Volatils. L’entreprise a également opté pour des livraisons sans aucun emballage pour les livraisons privilégiant l’emballage par couvertures réutilisables. Enfin, l’entreprise valorise ses déchets puisque les chutes de bois et les sciures sont utilisés pour le chauffage.

Unitec accompagne des start-up spécialisées dans l’éco-conception. Parmi elles, Nomads Surfing * qui propose du matériel de surf écologique. L’entreprise produit ses planches de surf en rationalisant l’utilisation des matières premières : réduire la quantité d’eau consommées, bio-sourcer les matières premières, identifier les fournisseurs aux pratiques vertueuses, etc. La mer est une source d’inspiration pour les entreprises puisque certaines puisent dans les « déchets » marins des matières premières pour produire des objets. Les coquilles d’huîtres, dont cent cinquante mille tonnes de coquilles d’huîtres sont jetées chaque année en France en sont le parfait exemple. Soorüz est une entreprise qui, depuis près de dix ans, innove dans la production de combinaisons de surf toujours plus écologique. Depuis 2018, l’équipe de recherche et développement utilise du broyat de coquilles d’huîtres comme matière première pour la confection des combinaisons néoprène. Ces dernières incorporent également des matériaux issus du recyclage (comme du pneu recyclé, du fil de Nylon ou de polyester). Mais Soorüz, n’est pas la seule sur ce créneau comme le présente Velioa sur son blog consacré à l’économie circulaire : l’entreprise Malàkio en fait des dessous de plats, des planches, des pots ; Etnisi des dalles de carrelage et du mobilier ; Alegina de la porcelaine ; d’autres encore des fertilisants ou de la nourriture pour volaille sans oublier, avec Decathlon, des chaussons de surf. Enfin, dans le sport, Zufo * propose une chaussure de ski modulable et hautement recyclable conçue dans une démarche d’éco-conception.

Ecologie industrielle

L’écologie industrielle est une pratique de management environnemental visant à limiter les impacts de l’industrie sur l’environnement. Elle recherche « une optimisation à l’échelle de groupes d’entreprises, de filières, de régions, et même du système industriel dans son ensemble. Pour ce faire, elle favorise la transition du système industriel actuel vers un système viable, durable, inspiré par le fonctionnement quasi cyclique des écosystèmes naturels. » (Source : Wikipédia).

Par exemple, en Italie, Enel (Ente Nazionale per l’Energia Elettrica) a mis en service, en 2009 à Fusina, une centrale de 12 mégawatts qui produit de l’électricité en brûlant de l’hydrogène émis par le complexe pétrochimique voisin de Marghera dont l’usine Polimeri Europa.

Cette approche propose une valorisation des déchets d’une filière comme ressource pour cette même filière, ou pour une autre filière, de manière qu’il ne reste que des déchets ultimes et en quantité minimale.

Waga Energy est une entreprise qui propose une technologie (et les services associés) permettant, aux industries d’enfouissement, de valoriser le biogaz émis lors du traitement des déchets. La Wagabox est une technologie de rupture pour la valorisation du biogaz des déchets enfouis. Elle combine deux procédés d’épuration : la filtration par membrane et la distillation cryogénique. L’objectif est de produire du biométhane à partir de biogaz inexploitable qui pourra être valorisé comme une source d’énergie écologique (pour le particulier comme les industries ou le transport).

Schéma – Cycle de vie des déchets – Waga Energy

Dioxycle * est une jeune start-up dont l’innovation repose sur la captation du CO² pour le transformer – grâce à des  technologies d’électrocatalyse et de thermocatalyse – et le valoriser en matières premières. L’objectif est de capter le dioxyde de carbone directement sur le lieu de production pour les traiter, le transformer et le valoriser sur place pour être directement réintroduit comme matière première.

Néolithe propose une solution pour transformer et valoriser les gravats de chantier réputés non recyclables. Le procédé mis au point consiste à broyer les déchets pour en faire une poudre fine à laquelle on ajoute un liant pour obtenir un granulat, baptisé « Anthropocite » qui peut être utilisé dans la construction des routes et la fabrication du béton. Le fossilisateur mis au point par Néolithe se présente sous la forme d’une mini-usine conteneurisée prête à l’emploi. Elle peut être installée en une journée sur n’importe quel site sur simple autorisation administrative.

Dernier exemple, et non des moindre, Toopi Organics *, installé près de la Réole en Gironde, s’est lancée dans la collecte, la transformation et la valorisation de l’urine humaine en produits fertilisants pour l’industrie et l’agriculture. Par un procédé très simple, l’entreprise transforme les déchets en un engrais naturel et à moindre coût puisqu’inépuisable. Très riche en azote, phosphore et potassium (les trois principales sources nutritives des plantes) l’urine est une véritable alternative aux fertilisants chimiques qui l’ont remplacé lors du développement de la pétrochimie. En attendant une autorisation de mise sur le marché par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), l’entreprise travaille au développement d’un collecteur d’urine et à un réseau de collecte à grande échelle.   

Economie de la fonctionnalité

L’économie de la fonctionnalité est un élément essentiel de la transition écologique, énergétique et sociale propre à l’économie circulaire. Elle « consiste à fournir aux entreprises, individus ou territoires, des solutions intégrées de services et de biens reposant sur la vente d’une performance d’usage et non sur la simple vente de biens. Ces solutions doivent permettre une moindre consommation des ressources naturelles dans une perspective de développement durable pour les personnes, les entreprises et les territoires. » L’exemple historique est le passage, dès 2009, de la vente de pneumatiques aux transporteurs par Michelin à un modèle de location (avec l’ensemble des services associés) par abonnement. Le transporteur n’acquiert plus le pneu mais paye pour son usage.

Selon l’ADEME, l’économie de la fonctionnalité repose sur deux logiques :

  • –             Logique servicielle : développement du service et de la relation client axée sur les effets utiles et la  performance d’usage de la solution, en valorisant principalement les ressources immatérielles sur lesquelles  s’appuie l’activité de l’entreprise (compétences, confiance, santé, pertinence  de  l’organisation…).  Elle mobilise les bénéficiaires, industriels, collectivités ou citoyens-consommateurs dans une dynamique de coproduction et d’engagement dans la durée.
  • –             Logique cycle de vie : optimisation de la gestion des biens et des matières sur l’ensemble du cycle de vie des   produits, facilitée par la conservation de la propriété des biens par les industriels. L’innovation réside dans l’évolution technologique des biens mis à disposition, en l’occurrence l’allongement de la durée de vie des biens, et dans  la  logistique mise en place pour assurer le bouclage des flux physiques des biens et des matières. Elle   nécessite de faire évoluer le modèle d’affaires de l’entreprise.

Les exemples d’entreprises proposant des produits orientés économie de la fonctionnalité ne manquent pas. TALE ME, conçoit des vêtements de haute qualité pour les jeunes enfants et les femmes enceintes, en lien avec des designers. L’originalité de la démarche est de proposer ces vêtements sous forme de location par abonnement. En adressant le marché de la femme enceinte et de l’enfant en bas âge, l’entreprise veut lutter contre l’achat pour un usage très court. En effet, les morphologies des enfants et des femmes enceintes évoluant très rapidement, les vêtements ne sont portés que très peu de temps. En proposant un abonnement sur une longue période, les consommateurs ont accès à une gamme de vêtements parfaitement adaptés à leur morphologie.

Dans le même esprit, Petite Marelle propose des locations de jeux et jouets pour enfant, Kyango se positionnant sur la location de matériel de sport. Décathlon ne s’y est pas trompé puisqu’avec Décathlon Rent, le leader français sur le sport s’est lui-même lancé dans le créneau de la location. Avec Light As A Service, l’entreprise Signify (émanation du géant Philips) propose un contrat de location du service d’éclairage tout en un pour les entreprises : conception, l’installation, le fonctionnement et la maintenance de votre système d’éclairage.

Consommation Responsable

La consommation responsable doit conduire l’acheteur, qu’il soit acteur économique (privé ou public) ou citoyen consommateur à effectuer son choix en prenant en compte les impacts environnementaux à toutes les étapes du cycle de vie du produit (biens ou service), selon la définition retenue par l’ADEME. Au-delà de l’acte d’achat, c’est l’utilisation qui est faite du produit sur l’ensemble de son cycle de vie qui doit être prise en compte dans ce concept de consommation responsable.

Du côté des entreprises, l’approvisionnement en produits éco-conçus permet également de bénéficier de produits de meilleure qualité et dont la durée de vie est supérieure. Il représente à terme une source d’économies pour l’entreprise. C’est également un outil marketing intéressant puisque de plus en plus de consommateurs, attentifs à leur bien-être ainsi qu’à celui de la planète vont rechercher des produits vertueux et valoriser les entreprises qui les proposent. Cette une tendance forte qui se développe avec l’accent mis sur les circuits-courts, la consommation éthique où la recherche d’un prix le plus bas possible n’est plus l’objectif principal.

Le gaspillage alimentaire est un sujet de préoccupation croissant tant les quantités de nourriture détruite tous les ans ne cessent d’augmenter. Selon les estimations, un tiers de la nourriture mondial serait gaspillée quand 800 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde. La problématique est aussi environnementale étant donné que près de 20 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont dues à l’agriculture et que les engrais et pesticides utilisés affectent gravement les écosystèmes naturels.

Des acteurs économiques et associatifs se saisissent aujourd’hui de cette problématique, notamment pour réduire le volume des invendus : Too Good To Go , Phenix, Jette Pas Partage, OptiMiam, MealCanteen, etc. Agricycle œuvre également, dans les pays en développement, à la lutte contre la gaspillage alimentaire en proposant une solution permettant d’assécher les fruits issus des surplus de production ou non commercialisable, afin de leur offrir de nouveaux débouchés commerciaux. Des solutions plus technologiques sont également proposées par des entreprises : Apeel Sciences propose de substituer les films alimentaires plastiques qui recouvrent certains fruits et légumes pour allonger leur durée de vie par un spray d’origine végétal donc parfaitement comestible. Cette technologie approuvée en 2019 dans l’Union Européenne est en test dans certains supermarchés danois.

Dernier volet de la consommation responsable, l’économie collaborative (qu’elle soit dite du partage ou du don) permet d’optimiser l’usage d’un bien ou d’en prolonger l’utilisation. L’économie du partage connait depuis une dizaine d’années un succès important grâce au développement des outils numériques. Les plateformes sont de plus en plus nombreuses. On peut citer à titre d’exemples tel que : Akewatu est une start-up spécialisée dans la vente de planche de surf d’occasion. L’objectif est d’offrir au matériel de glisse une seconde vie en les remettant sur le marché. Geev propose une plateforme de mise en relation entre particuliers de type LeBonCoin. Celle-ci permet de mettre en place des dons de biens (dont de la nourriture) et services afin de lutter contre le gaspillage et offrir la possibilité à des objets d’avoir une seconde vie.

Allongement de la durée de vie

Selon un avis émis par l’ADEME en 2016 « l’allongement de la durée d’usage par le consommateur conduit au recours à la réparation, à la vente d’occasion ou au don, ou à l’achat d’occasion dans le cadre du réemploi ou de la réutilisation.» De plus, depuis la loi de transition énergétique pour la croissance verte en 2015, la lutte contre l’obsolescence programmée vise à empêcher les producteurs de diminuer volontairement la durée de vie de leurs produits pour en provoquer un renouvellement accéléré. L’éco-conception vise, de son côté, à faciliter la réparabilité des produits en vue d’allonger leur durée d’usage.

Depuis le 1er janvier 2021, l’indice de réparabilité, adopté dans le cadre de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, est déployé sur cinq types d’équipements afin de lutter contre l’obsolescence (programmée ou non) et éviter le gaspillage des ressources : les lave- linges à hublot, les téléviseurs, les ordinateurs portables, les smartphones et les tondeuses à gazon électriques. Cet outil permet au consommateur de savoir simplement et rapidement, à travers une note de 0 à 10, si le produit acheté sera facile à réparer ou non. Pour faciliter l’information et les choix des consommateurs, une plateforme a été mise en place recensant tous les produits soumis à la vente bénéficiant de cet indice. L’objectif est de faire passer le recours à la réparation de 40% aujourd’hui à 60% d’ici cinq ans.

Autre tendance, le remanufacturing : ce concept qui reste assez peu connu en France, vise à introduire des pièces détachées de produits en fin de vie lors de la conception de produits neufs du même type. Il se distingue du recyclage, puisqu’il ne s’agit pas d’une simple récupération de la matière, et de la réutilisation puisque les produits dont les composantes sont récupérées ne sont plus réparables. On peut citer l’exemple des cartouches d’imprimantes remanufacturées, celui des matelas ou encore l’exemple de Renault qui remanufacture certaines pièces mécaniques comme les boites de vitesses ou les injecteurs et ce dans une stratégie plus globale du groupe Renault d’intégration de l’économie circulaire. Hipli est une entreprise innovante qui propose une solution de carton d’expédition réutilisables.

Les Bordelais de la société Capacités ont également investi ce créneau de la remanufacture. L’entreprise, partant du constat que les batterie Lithium-Ion qui équipent notamment le petit matériel de mobilité avaient une durée de vie inférieure à un an compte tenu de leur utilisation intense, a cherché à répondre à la question de l’augmentation de leur longévité. Pour cela, elle a créé Gouach une batterie qui offre la possibilité de ne changer que les cellules périmées ou défectueuses. Ainsi, au lieu de jeter une batterie dont certaines cellules sont mortes, l’objectif est d’augmenter la durée de vie de ladite batterie par le remplacement de quelques cellules. Le corolaire est de réduire la pollution due au retraitement des vielles batterie. L’entreprise à signé un partenariat avec la société de vente en libre-service de vélo Pony pour en équiper une partie de sa flotte de bicyclettes.

Permettre l’allongement de la durée de vie des matériaux plus que celle des produits en elle-même est également un des enjeux de l’économie circulaire. Les solutions de recyclage ou de surcyclage (upcycling en anglais) sont très nombreuses.

Côté recyclage, notons l’exemple de Luz Environnement, jeune start-up bordelaise installée dans les locaux de l’incubateur Start-up Win de Bernard Magrez qui se lance sur le marché du recyclage des bouteille de vin. Après les avoir collectées et nettoyées, elles sont mises à disposition des viticulteurs leur permettant un accès à moindre coût à des bouteilles à qui l’on offre une seconde vie. L’impact environnemental et également important puisque ces bouteilles n’intègrent pas le circuit classique du recyclage du verre.

Le surcyclage peut se définir comme l’action de récupérer des matériaux ou des produits dont on n’a plus l’usage afin de les transformer en matériaux ou produits de qualité ou d’utilité supérieure. Il s’agit donc d’un recyclage « par le haut ». Parmi les plus connues, La Vie est Belt utilise des gommes de pneus de vélo pour réaliser des ceintures. Pour cela, l’entreprise n’a pas hésité à signer des partenariats avec les équipes cyclistes professionnelles engagées sur le Tour de France pour récupérer, à la fin de chaque étape, les pneus utilisés et réaliser des ceintures en édition spéciale. Povera, une entreprise parisienne, qui se définit comme appartenant à la mouvance slow design, surcycle des pièces de tissus usagées (notamment le polyamide, difficilement recyclable) pour en faire des accessoires de mode ou des accessoires maison. L’entreprise propose également des kit Do It Yourself afin que chacun puisse s’approprier facilement les techniques de surcyclage à domicile.

On trouve également des technologies innovantes permettant de surcycler rapidement des vêtements en nouveaux vêtements ou des fibres de tissus ou de papier en ouate isolante pour la maison. Zeta Shoes est une marque de chaussures zéro déchet, vegan, recyclés et recyclables. L’originalité du concept est de se placer directement dans l’économie circulaire en valorisant les déchets issus du raisin pour les transformer en matière première. Le marc de raisin est récolté auprès des viticulteurs bordelais pour transformer en « cuir de raisin » par un professionnel italien et en semelle de raisin au Portugal. Les chaussures sont entièrement recyclables ce qui diminue leur impact écologique.

Économie circulaire : une tendance de fond

Nous l’avons vu dans cette note, l’économie circulaire est une tendance de fond à laquelle personne ne pourra échapper. Les exemples ne manquent pas et proposer une vue exhaustive de cette tendance est impossible. Pour preuve, une plateforme recensant 1.500 acteurs de l’économie circulaire est lancée début juin dans sept régions pilotes, à destination des entreprises et collectivités cherchant à donner une « seconde vie » à des objets ou déchets, a annoncé, l’un des porteurs du projet. Le dispositif est mis en oeuvre par ESS France en partenariat avec l’Ademe et l’Agence nationale de la cohésion des territoires avec le soutien de la secrétaire d’Etat chargée de l’Economie sociale, solidaire et responsable, Olivia Grégoire.

A l’avenir, il sera intéressant de s’intéresser à la réaction des entreprises de taille moyenne, moins agiles que des start-up et sans les moyens des grands groupes, face à la pression toujours plus importantes de consommateurs-citoyens engagés dans la protection de l’environnement. Les entreprises feront également face à la puissance publique, au niveau national et supra-national, qui n’hésitent plus à intégrer, dans les documents liés aux marchés publics, des conditions associées au respect de l’environnement et plus particulièrement à l’économie circulaire.  

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  • * Entreprises accompagnées par Unitec : Akewatu (promo 2021 accélérateur Up Grade), Capacités, Dioxycle, Geev, Kyango, Luz Environnement, Nomads surfing, Petite Marelle, Toopi organics, Zeta Shoes, Zufo

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