La gestion de la crise de la Covid-19 en Corée du Sud : Une politique de santé publique au détriment de la vie privée ?
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Alors que l’état d’urgence sanitaire vient d’être levé par le gouvernement français, l’épidémie de Covid-19 continue de faire des ravages dans de nombreuses parties du monde comme les Etats-Unis, l’Inde ou encore le Brésil.

 

 

Les réponses à la propagation de la maladie ont été différentes selon les pays : entre refus de voir la gravité de la situation, manque de moyens humains et financiers, système de santé en très grande précarité, les pays les plus durement touchés paient le plus lourd tribu. De l’autre côté du spectre, certains pays ont beaucoup mieux géré la situation exceptionnelle que représente la Covid-19.

 

Plus particulièrement, certains pays du Sud-Est asiatiques ont été capables, très rapidement, de proposer des réponses adéquates permettant de limiter la diffusion de la maladie, réduisant ainsi les contaminations, les cas graves et par-là même, le nombre de décès. Parmi les pays cités en exemple par les autorités internationales comme l’Organisation Mondiale de la Santé, la Corée du Sud est à ce jour le pays qui aura su mettre en place les décisions politico-techniques les plus efficaces. Avec “seulement” 284 décès pour 13137 cas confirmés, le pays du matin frais aura parfaitement su affronter la crise.

 

Source : Google

 

Mais cette situation ne doit rien au hasard. Au travers de l’article nous allons montrer comment la Corée du Sud s’est organisée pour appréhender, dès les premiers cas en Chine, la gestion de la pandémie à venir : moyens humains conséquents, gestion intégrée des situation de crise, mise en place de politiques sanitaires suite aux expériences passées, utilisation des technologies et des données personnelles, rien n’a été laissé au hasard. Alors que les scientifiques du monde entier craignent le retour de la maladie à l’automne, les gouvernements des autres pays se doivent de ne pas ignorer le cas sud coréen.

 

La lutte contre la Covid-19 en Corée du Sud : une stratégie globale de grande envergure

 

Depuis la mi mars 2020 et l’explosion de la pandémie du nouveau coronavirus en Europe puis dans le monde entier, la Corée du Sud est montrée comme exemple dans la lutte contre la maladie. Si beaucoup de pays admirent la gestion très efficace de la maladie, très peu sont en mesure de mettre en place l’arsenal déployé par le pays. La stratégie a reposé sur un ensemble de mesures à la fois médicales, sociales, technologiques et politiques. C’est l’articulation de ces différents angles d’approche qui a contribué au succès des mesures mises en oeuvre. L’Institut Montaigne a publié un dossier comparatif des stratégies de lutte contre la diffusion du virus dans les pays d’Asie du Sud Est.

Il ressort, pour le cas de la Corée du Sud une stratégie reposant sur un dispositif de grande ampleur dont les caractéristiques reposent sur 7 axes

1. Une réaction très rapide des autorités dès les premiers cas en Chine (le 3 janvier 2020) : tous les voyageurs entrant sur le territoire coréen, et plus particulièrement ceux arrivant de Wuhan, sont soumis à un dépistage automatique, à un traçage et à une surveillance étroite durant leur séjour. En revanche, le pays a fait le choix de ne pas fermer les frontières aux étrangers contrairement à ce que d’autres pays feront plus tard ;

2. La mise en place massive de dépistage gratuit à l’ensemble de la population. Notamment à travers des drive-in (ou drive through) permettant aux automobilistes de se faire dépister sans sortir de leur véhicule ;

 

Source : Agence de Presse Yonhap

 

3. Une accélération des procédures d’autorisations de mise sur le marché des nouveaux kits de dépistage permettant une diffusion massive dans toutes les régions du pays ;

4. La mise à disposition d’outils numériques de traçage (contact tracing) et de surveillance (contact tracking) obligatoires pour tous les citoyens (nous y revenons dans la deuxième partie de cette série) ;

5. Un renforcement de la transparence et du respect de la vie privée par le gouvernement coréen suite aux polémiques relatives à la diffusion d’informations privées collectées dans le cadre du traçage et de la surveillance. Les données récoltées et mises à disposition permettaient, selon la Commission nationale des droits de l’Homme, d’identifier les personnes malades. Certaines collectivités locales n’hésitant pas à diffuser des messages d’alerte pour porter à la connaissance des habitants d’un quartier de la présence de cas avérés en fournissant des informations (emploi, entreprise, etc.) susceptibles d’identifier les individus. A partir du 10 mars 2020, le Centre de contrôle et de prévention des maladies (KCDC) interdit aux gouvernements locaux de divulguer ces informations. Un système d’alerte est cependant mis en place lorsque des clusters de personnes contaminées apparaissent.

6. L’établissement d’une surveillance très stricte des mises en quarantaine. Le ministère coréen de l’Intérieur et de la Sécurité a développé une application mobile intitulée « self-quarantine safety protection ». L’application surveille la localisation de l’utilisateur en quarantaine et lui permet de contacter les autorités sanitaires et de rendre compte de l’évolution de ses symptômes. La violation de l’obligation de quarantaine est alors passible d’une amende de près de 2500$ pour la première infraction, 8250$ pour la seconde infraction. Par ailleurs, toutes les personnes qui entrent sur le territoire, qu’ils soient sud-coréens ou étrangers, doivent se soumettre à des contrôles de fièvre et présenter des documents relatifs aux conditions sanitaires dans les aéroports. Ils doivent également télécharger une application d’auto-diagnostic et soumettre leurs résultats pendant 14 jours aux autorités. Celles présentant des symptômes sont placées en soins intensifs.

7. La prise en charge complète des dépenses médicales de toutes les personnes infectées et ce quelle que soit leur nationalité.

 

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« L’utilisation des technologies numériques dans la lutte contre la covid-19 »

 


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