[NOTE DE VEILLE] Stable Coin : une cryptomonnaie d’avenir ?
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Le 18 juin dernier, Facebook annonçait en grande pompe le lancement de Libra, sa cryptomonnaie.

Compte tenu du passif de Facebook et des scandales à répétition que ce soit en matière de sécurité ou d’exploitation des données de ses utilisateurs, de nombreuses voix se sont élevées (des acteurs de la finance institutionnelle jusqu’aux leaders politiques – le Congrès américain aurait même demandé à Mark Zuckerberg de geler son projet) : les uns craignant un déséquilibre monétaire de la planète, les autres, une ingérence toujours plus forte du géant américain dans la vie de ses utilisateurs. Pourtant, les intentions de Facebook semblent, a priori, louables.

 

 

Selon l’organisation, l’objectif est « d’offrir des services financiers de meilleure qualité, moins chers et plus accessibles à chacun, indépendamment de son identité, lieu de résidence, profession ou salaire »[1] notamment dans les pays en développement et pour une population qui est exclue du système bancaire classique. Grâce à un portefeuille virtuel, Calibra, les possesseurs de Libra pourront procéder à des achats ou effectuer des transferts d’argent via Messenger, WhatsApp et une application dédiée qui verra le jour courant 2020. La force de Libra, qui est fortement revendiquée par l’association, est que cette nouvelle cryptomonnaie repose sur le protocole blockchain – dans un premier temps sous permission mais qui évoluera vers un modèle sans permission –  et « est conçue pour être une cryptomonnaie numérique stable qui repose entièrement sur une réserve d’actifs réels (la réserve Libra) et qui est soutenue par un réseau d’échanges concurrentiel pour l’achat et la vente de la Libra »[2]. Cette option prise par l’association permet d’offrir une cryptomonnaie beaucoup moins volatile que d’autres réduisant ainsi les risques de spéculation et de bulles spéculatives. La Libra est donc un stablecoin, une cryptomonnaie dont la valeur est stable puisqu’adossée à un actif non spéculatif comme l’or, une monnaie fiduciaire ou un actif quelconque et dont le prix est déterminé et convenu la plupart du temps. Le choix de Facebook et du consortium d’entreprises engagées dans le projet n’est pas anodin : en choisissant de créer une stablecoin plutôt qu’une cryptomonnaie classique, ils se fixent comme objectif de créer une devise numérique mondiale qui possèdent tous les avantages d’une cryptomonnaie – faculté de pouvoir envoyer de l’argent rapidement, sécurité offerte par la cryptographie et liberté de transférer facilement des fonds d’un pays à un autre – sans ses inconvénients, en premier lieu la volatilité.

Mais la Libra n’est que la partie émergée d’un iceberg plus conséquent, à savoir celui du stablecoin. En effet, depuis plusieurs années déjà, le stablecoin joue le rôle de l’électron libre dans l’univers de la cryptomonnaie. En quoi consiste réellement cette cryptomonnaie réputée stable ? Comment se différencie-t-elle des autres cryptomonnaies ? Quels sont les enjeux économiques liés à son développement ? Autant de questions auxquelles cette nouvelle note de veille tente de répondre.

 

Facebook / Stablecoin – from www.ft.com

 

1 – Qu’est ce qu’un Stable Coin ?

 

L’un des défauts majeurs des cryptomonnaies est leur volatilité. En effet, si l’on prend le Bitcoin, on constate que sur un an sa valeur moyenne a été de 5294€ avec un pic à 11315€ le 10 juillet 2019 et un creux à 2844€ le 15 décembre 2018. Cette volatilité, si elle convient parfaitement aux spéculateurs, empêche les cryptomonnaies de devenir de véritables monnaies basées sur le triptyque : réserve de valeur, unité de compte et moyen d’échange. N’ayant pas de cours légal (seules les monnaies frappées par les Etats peuvent prétendre à ce statut), elles sont considérées comme des monnaies alternatives qui n’ont de valeur que dans leur taux de change. Aussi, dépenser ses bitcoins en France et sur internet reste confidentiel. C’est pour développer l’utilisation commerciale et non plus spéculative qu’ont été créés les stablecoin, vu par les observateurs comme le « Graal des cryptomonnaies ». Un stablecoin est une cryptomonnaie dont la valeur, adossée à une « réserve » (comme une vraie monnaie, un bouquet de monnaies ou encore l’or), est beaucoup plus stable dans le temps.

Le principe de fonctionnement est simple : si le prix du bitcoin est à 4000 dollars et qu’on échange 1 bitcoin contre du stablecoin adossé au dollar, on possèdera donc 4000 unités de ce stablecoin. Si le bitcoin vient à prendre de la valeur et passer à 6000 dollars l’unité, le stablecoin vaudra toujours 4000$. Inversement si le cours du bitcoin chute à 1000$, le stablecoin lui restera à 4000$. L’émission de stablecoin fonctionne exactement comme celle d’une cryptomonnaie classique, soit par DAO (Organisation Décentralisée Autonome) soit par une autorité centrale qui émet une quantité définie de jetons convertibles en cryptomonnaie.

 

from www.coinpress.fr

 

2 – Différentes versions d’un Stable Coin

Il existe trois types de stablecoin :

  • Les stablecoins collatéralisés en fiat

Comme leur nom l’indique, ces stablecoins sont des jetons associés à la valeur d’une monnaie-fiat donnée. Habituellement, ces jetons sont basés sur le dollar américain et conservent leur valeur fixée à un ratio de 1:1. La force de ce modèle est que le stablecoin n’est pas du tout volatile et parfaitement lisible. En revanche, ses détracteurs lui reprochent d’être un modèle trop centralisé, trop opaque puisque reposant sur une entité émettrice, contraire à l’esprit de la cryptomonnaie. On retrouve dans cette catégorie le « leader » des stablecoins à savoir Tether, qui malgré quelques critiques eu égard au manque de transparence de sa gestion et de soupçons de fraude reste le stablecoin le plus utilisé au monde. Autre acteur, Digix offre un stablecoin adossé à l’or où un token équivaut à la valeur d’un gramme d’or. Ou encore TrustToken qui propose d’adosser son stablecoin à différentes devises comme le dollar, le dollar canadien, le dollar australien ou encore la livre sterling.

 

  • Les stablecoins collatéralisés en crypto-actifs

Ce modèle propose un stablecoin adossé à une autre cryptomonnaie, comme le bitcoin. Pour compenser les problèmes de volatilité, on sur-adosse le stablecoin. Par exemple, lorsque vous générez 100 euros d’un stablecoin quelconque, un contrat intelligent est alors créé et verrouille une somme en cryptomonnaie (bitcoin, ether, etc.) ainsi ils sont maintenant garantis. L’inconvénient principal de ce modèle est qu’en adossant le stablecoin à une cryptomonnaie, si le cours de celle-ci vient à s’effondrer brusquement, les certificats d’émission (les contrats intelligents) pourraient devenir sous-collatéralisés, déstabilisant le prix de l’acompte.  Ce modèle a été lancé par le pionnier BitShares, rapidement imité par Maker et son stablecoin Dai ou encore Synthetix

 

  • Les stablecoins non collatéralisés

Dans ce dernier modèle, le stablecoin n’est adossé à aucune autre monnaie (virtuelle ou réelle) et sa valeur est déterminée pour un temps donné. Un contrat intelligent changera le nombre de jetons en circulation (à la hausse ou à la baisse) afin de maintenir sa valeur fixe. Ce modèle serait le modèle idéal de stablecoin mais il est aujourd’hui encore soumis à quelques écueils : le code du contrat intelligent ne doit comporter aucune faille et il doit être prémunis de toute manipulation/attaque du système de prix. Basis, qui était le projet avec le plus d’ambitions, a annoncé l’arrêt de ses activités en décembre 2018, après avoir tout de même levé 133M$, mettant en avant le fait que l’application de la réglementation américaine sur les valeurs mobilières au système n’avait pas permis au projet d’aboutir. BitCash, veut devenir la cryptomonnaie la plus facile à utiliser. Si à l’origine le projet n’était pas de créer un stablecoin non collatéralisé, l’objectif a été ajouté a posteriori. Et comme la Libra, BitCash veut intégrer sa cryptomonaie directement sur les plateformes sociales (Twitch, Twitter, etc.) afin d’accélérer son adoption.

 

Si le projet présenté par Facebook est à la fois critiqué et critiquable, il n’en reste pas moins qu’il permet de mettre en lumière d’une façon moins anxiogène les cryptomonnaies. Longtemps associées aux trafics en tout genre et au banditisme, les cryptomonnaies peuvent, par l’intermédiaire du stablecoin, bénéficier d’une image plus positive. A ce titre, il est important de continuer à suivre les développements des stablecoins qui pourraient dans un avenir pas si lointain jouer un rôle économique important.

 




[1] Objectif du Libra

[2] Le Libra est conçu pour répondre aux besoins de stabilité, de faible inflation, de dimension mondiale et de fongibilité.

Rédacteur : Alexandre Bertin, Responsable Veille & Prospective – UNITEC

 


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