La 5G, pour quels usages ?
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La 5G aura un impact dans tous les secteurs d’activités et amènera de nombreuses opportunités pour la transformation des produits et des services existants autant que le développement de nouvelles offres, notamment dans les cas des objets connectés.

La 5G et…
La Voiture Autonome | La Santé | La SmartCity | L’industrie

 

Les retombées industrielles de la 5G sont potentiellement gigantesques. On trouvera la 5G dans des secteurs comme l’énergie, la chirurgie à distance ou encore la voiture autonome. Mais aussi dans des installations militaires, les hôpitaux, les ports, les usines, etc. Autant dire que son rôle sera structurant dans l’économie ; et hautement stratégique. Selon une étude publiée par le cabinet anglais IHS Markit, la 5G devrait permettre de créer 22 millions de nouveaux emplois dans le monde d’ici 2035 (dont 400 000 emplois en France). La même enquête évalue à 11 300 milliards d’euros les bénéfices générés par la 5G d’un point de vue global d’ici 2035.

 

La 5G devrait permettre l’accélération du déploiement de la voiture autonome

La mobilité est l’un des secteurs qui s’intéresse le plus au potentiel annoncé de la 5G. Et pour cause, une fois installée, la technologie révolutionnera encore un peu plus l’usage de nos véhicules et plus particulièrement celui des voitures autonomes.

Les véhicules autonomes ont des exigences particulières auxquelles les technologies actuelles ne sont pas en mesure de répondre pleinement. En matière de sécurité tout d’abord. L’un des enjeux de la mise en circulation des véhicules autonomes concernent leur capacité à se déplacer sans mettre en danger la vie des personnes dont ils croiseront la route. Pour cela, les véhicules qui se déplaceront de manière autonome devront réagir à la moindre modification de la situation environnante en un dixième de seconde. L’absence de latence entre l’envoi et la réception de l’information fait de la 5G une technologie idoine pour répondre à cette problématique. Un enfant qui traverse la route au dernier moment, un freinage d’urgence qu’il faut communiquer à la voiture située derrière, sont autant de paramètres que la voiture doit intégrer en temps réel afin de réagir instantanément. Par ailleurs, les voitures autonomes seront un élément parmi d’autres de la smart mobility urbaine aux côtés de tous les éléments communicants présents dans les rues, sur la voirie, etc. En permanence, la voiture autonome devra être informée sur les modifications en temps réel de son environnement. La 5G agira alors comme un “capteur additionnel” permettant une communication VtoX (Véhicule to Everything) sans faille et instantanée. Audi a ainsi signé un partenariat avec Deutsch Telekom pour tester des solutions et des services liés à la voiture autonome dans un environnement 5G. Une association a même vu le jour pour développer, tester et normaliser la 5G dans le cadre de la mobilité. La 5G Automative Association regroupe des constructeurs automobiles, des équipementiers, des fournisseurs de services internet ou des opérateurs. Côté français on y retrouve PSA, Renault, Valéo ou encore Orange.

 

Autre enjeu pour la 5G : la chaine logistique et le transport. Selon un rapport du Commission général au développement durable sur le transport en France, en 2018, 368,5 milliards de tonnes-kilomètres de marchandises ont été transportées sur le territoire français métropolitain en hausse de 2,2 % par rapport à 2017. Le transport intérieur terrestre de marchandises est largement dominé par le transport routier. Cette pression n’est pas propre à la France ce qui poussent les grands acteurs du transport et les autorités à envisager la 5G comme un outil disruptif dans la gestion des flux. Plusieurs axes sont envisagés :

  • l’amélioration des flux de circulation, en mixant intelligence artificielle et 5G. Des algorithmes d’optimisation des déplacements associés à des capteurs permettraient de redéployer les modes de transport de marchandises vers des solutions mieux adaptées aux réalités contingentes du terrain : délai, environnement, engorgement des routes pourraient ainsi être mieux maîtrisés tout au long de la chaine d’acheminement.
  • la possibilité de développer le platooning (ou le regroupement de véhicules autonomes par peloton). Grace à la 5G, les solutions techniques de mise en peloton des véhicules seraient plus efficaces, notamment en matière de réactivité et de sécurité. Par ailleurs, les délais d’acheminement seraient fortement raccourcis par l’abandon des obligations de repos des chauffeurs. Le platooning n’est cependant pas envisagé à moyen terme même si des essais fleurissent un peu partout en Europe comme dans le reste du monde.

 

 

La santé connectée profitera de la 5G

Depuis près de 15 ans, le secteur de la santé vit des bouleversements permanents. L’arrivée de la 4G couplée à l’augmentation de la puissance de calcul et aux progrès des capacités apprenantes des ordinateurs ont permis une médecine plus rapide, plus efficace, plus personnalisée. Pour autant, les promesses de la 5G vont au-delà de ce que nous connaissons aujourd’hui, certains prévoyant même un “saut quantique” grâce à une latence nulle. La télémédecine, en plein développement, se trouve contrainte par l’impossibilité de transmission en temps réel. La 5G, dont l’un des points forts est justement l’instantanéité, permettra aux médecins de prescrire et de télétransmettre dans un même geste instantané. De même, la nouvelle génération de télécommunication permettra un meilleur suivi du patient une fois celui-ci traité et renvoyé chez lui.

L’autre force de la 5G, nous l’avons vu, est le slicing, cette capacité de découper le réseau en tranche et de réserver l’usage de chaque tranche à une finalité bien particulière. La médecine pourra tirer parti de cette technologie. Il sera alors possible d’imaginer :

  • Un 1er réseau de très haute disponibilité pour les usages prioritaires, comme en blocs opératoires, en unités de réanimation, ou aux urgences
  • Un 2ème réseau pour l’accès sécurisé des praticiens au système d’information hospitalier, notamment en mobilité
  • Un 3ème réseau pour la remontée de données du matériel biomédical et d’objets connectés pour le suivi des constantes des patients
  • Un 4ème réseau pour les services de confort et de divertissement des patients.

La virtualisation permettra aussi de créer une tranche de réseau dédiée à l’exploitation croisée des données médicales entre les différents acteurs de l’écosystème, sans dégrader les objectifs de sécurité au sein de l’hôpital. En termes de flexibilité, l’isolation entre ces réseaux permettra de proposer de nouveaux modes de supervision aux hôpitaux, ouvrant certaines opérations de supervision aux responsables techniques de l’hôpital ou même à l’entité médicale opérationnelle.

La téléchirurgie, déjà pratiquée depuis près de 20 ans, pourra également tirer profit des avantages de la 5G. Une équipe de médecins italiens ont réalisé une opération invasive sur des cordes vocales (sur un patient décédé) à plus de 15 kilomètres de distance. Les chirurgiens disposaient de lunettes de réalité virtuelle et d’un appareil de rétroaction haptique leur permettant un contrôle parfait des robots chirurgiens. Selon l’étude publiée dans la revue Annals of Internal Medecine les chirurgiens n’ont jamais été confrontés à un délai de latence supérieur à 140 millisecondes ce qui laisse entrevoir des potentialités réelles en matière de téléchirurgie. On peut ainsi imaginer des opérations lourdes entre des médecins européens et des patients africains installés dans des hôpitaux équipés pour la chirurgie lourde. Des centaines de vies pourraient ainsi être sauvées chaque année.

Dans le même ordre d’idée, mais en marge de la médecine, T-mobile, l’opérateur de téléphonie mobile allemand, a réalisé, début septembre 2020, une démonstration visant à montrer la puissance de la 5G. Pour cela, elle a fait appel à un tatoueur professionnel néerlandais qui a réalisé un tatouage sur un bras artificiel. Tout son matériel était connecté à un ordinateur qui reproduisait, à distance et sur une jeune femme, l’actrice Stijn Fransen, le tatouage, en temps réel par l’intermédiaire d’un bras robotisé.

 

Enfin, la 5G pourrait également révolutionner l’accès aux traitements. En Suède, la société de télécommunications Telia Company vient de signer un partenariat avec le Swedish Mobile Mammography Program dont l’objectif est de proposer tous les services de mammographie aux femmes habitant dans les zones les plus septentrionales du pays. Ce programme, lancé en 2004, devrait profiter des avancées de la 5G en termes de fiabilité, de rapidité et sécurité. L’unité médicale ambulante sera composée d’un mammographe, de l’équipement informatique nécessaire au traitement et à l’analyse des images et d’une antenne relais 5G afin d’envoyer toutes les données, de manière rapide et sécurisée à l’hôpital référent. L’objectif est de réduire les temps d’attente et les temps de déplacement qui sont très longs dans cette région de la Suède provoquant l’annulation de rendez-vous.

 

La smartcity à l’heure de la 5G

La 5G est également attendue de pieds fermes par l’ensemble des acteurs de la ville intelligente. Il faut dire que les promesses sont nombreuses et que le saut qualitatif espéré devrait répondre aux exigences de la ville de demain, à savoir la rapidité, la fiabilité et la flexibilité.  Singapour, par exemple, équipe depuis de nombreuses années ses rues de capteurs de plus en plus nombreux qui, couplés à des caméras de surveillance, recueillent des milliards de données sur les déplacements urbains. L’analyse de ces données permettent d’optimiser les flux de population en temps réel. Classée première au palmarès IMD des Smart City en 2019, la ville mise gros sur la 5G pour en faire l’épine dorsale de son économie sur le long terme. En effet, dans la smartcity de demain, il faudra avoir une infrastructure capable de supporter la présence de millions d’objets connectés (on parle d’un million au km²). La SNCF a signé un partenariat avec Nokia fin 2019 afin de connecter le monde ferroviaire en 5G pour en faire un laboratoire à taille réel dans lequel des expérimentations et des cas d’usage seront testés. A titre d’exemple, les fonctions de signalisation nécessitant fiabilité et rapidité seront les premières à bénéficier des avancées technologiques liées à la 5G.

Le MIT développe un programme, le Senseable City Lab, dont l’objectif est de mettre en oeuvre des solutions technologiques liées à la smartcity. Tous les projets présentés par le MIT sont en cours de développement et potentiellement réalisable avec une très bonne couverture 4G. Cependant, la 5G permettrait d’accélérer les projets et d’en fiabiliser les résultats. A titre d’exemple, le MIT en partenariat avec la Ville d’Amsterdam, travaille depuis plusieurs années sur un projet intitulé Roboat dont l’objectif est de déployer des bateaux autonomes qui parcourraient des canaux afin de collecter les déchets. L’apport de la 5G sera ici essentiel : les bateaux autonomes évolueront dans un environnement ouvert dans lequel ils croiseront d’autres embarcations non autonomes. Il sera donc nécessaire d’avoir une connexion permanente, sans coupure, avec une latence minimale.

En France, 11 expérimentations ont été lancées après autorisation de l’ARCEP. Les 11 projets auront l’autorisation d’exploiter, pour une durée de 3 ans, la bande de fréquences de 26 GHz. Parmi eux, Bordeaux Métropole a reçu l’aval des autorités de régulation pour mettre en place un test grandeur nature. La plateforme d’expérimentations 5G prévue a pour objectif de valoriser les réseaux d’éclairage public à des fins de déploiement de nouvelles infrastructures : le déploiement de la 5G y est notamment envisagé pour apporter une connectivité ultra haut débit dans des espaces de forte densité.

 

L’industrie et la 5G

Le secteur industriel vit une profonde mutation par la digitalisation de pans entiers de son organisation. L’usine du futur, également appelé l’usine 4.0 fera la part belle aux technologies numériques dans les processus de production avec pour objectif de générer de nouveaux gains de productivité tout en optimisant la consommation et les coûts énergétiques.

Elle profitera de trois grandes ruptures technologiques liées à l’arrivée de la 5G :

  • l’ultra haut débit pouvant atteindre 10 gigabits par seconde sur de nombreux appareils simultanément. Ce débit assuré permettra une quasi-absence de rupture de communication, ce que la 4G et le WiFi ne peuvent assurer.
  • la latence quasi-nulle permettant une communication de pair à pair (entre les machines par exemple) instantanée
  • enfin le slicing permettra de répondre aux besoins particuliers en matière de débit. Une usine pourra par exemple trancher son réseau 5G afin de dédier les différentes tranches aux différents besoins exprimés par les utilisateurs du réseau. Certaines fonctions ont besoin d’un temps de latence très faible mais ne sont pas consommatrices de données (on pense par exemple aux échanges d’informations entre une machine et des capteurs alertant d’un problème relatif à la sécurité) tandis que d’autres fonctions dans l’usine nécessitent de pouvoir accéder à des masses d’informations sans avoir besoin d’une latence faible).

L’usine de demain repose sur le déploiement et la mise en cohérence de l’internet des objets, du big data, de capteurs et de la robotisation. Connectées entre elles, les machines s’échangeront des milliers de données instantanément nécessitant une bande passante solide, fiable et en capacité de supporter la montée en charge. De même, le développement des jumeaux numériques (voir notre dossier sur ce thème) profitera des avancées de la 5G : capacité d’échange de données massives, instantanéité des transferts d’information, fiabilité des systèmes, etc.

Selon Bouygues Telecom, la 5G dans l’usine du futur permettrait de générer des gains d’efficacité de l’ordre de 6 à 8% grâce  à :

  • la création d’unités de production digitalisées dans une logique d’optimisation des flux de production
  • l’amélioration de l’efficacité et la sécurité des techniciens grâce à l’avènement de la réalité augmentée et de la réalité virtuelle
  • la maîtrise des coûts de production. La 5G permettra de gagner en modularité par l’intégration d’applicatifs permettant l’accélération du développement de l’automatisation, de la robotisation et de la cobotisation.

 

 

Bosch a lancé un test 5G dans une de ses usines situées à Worcester en Angleterre. L’objectif de cette expérimentation est d’observer les performances de la technologie 5G dans le cadre de la maintenance prédictive. Pour cela, l’usine a été bardée de capteurs et entièrement numérisée afin de produire un jumeau numérique. Grâce à la modélisation mathématique couplée à la très faible latence de la 5G, les techniciens sont en mesure de réaliser des analyses prédictives sur l’usure des machines et d’intervenir avant que les pannes ne surviennent. Grâce à un système de rayonnage connecté, le chef de service est alerté en temps réel de la survenue d’un problème et peut ralentir ou interrompre la production le temps de résoudre la panne. La 5G permet également le déploiement de petits robots autonomes (automated intelligent vehicules) qui vont transporter les pièces à la demande jusqu’aux ouvriers. Dans ce cas, c’est la fiabilité de l’architecture 5G qui est plébiscitée, là où la WiFi proposait une connexion trop aléatoire avec pour conséquence des coupures de réseau problématiques.

Pour finir, l’enjeu principal de la 5G est de renforcer la compétitivité des entreprises en stimulant l’innovation (qu’elle soit incrémentale ou de rupture), en développant de nouveaux modèles d’affaires (qui restent encore à construire) tout en diminuant les coûts opérationnels. Si la 5G est susceptible de participer à la modernisation de nombreux secteurs d’activités et d’apporter une réelle valeur ajoutée à l’utilisateur final, il n’en reste pas moins qu’elle est aujourd’hui au coeur de très nombreuses polémiques.

 

 


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avril 9, 2024