Etourisme : 2019 est-il en train de forger le tourisme de demain ?
Partager

Après la 15ème édition des Rencontres Nationales du Etourisme qui ont eu lieu à Pau en octobre dernier, nous revenons sur les grandes tendances du tourisme qui vont bouleverser le voyageur de demain.

Note de veille réalisée par Maël LE BORGNE, Start-Up Manager chez UNITEC.

 

 


Portrait de Jean-Kévin, voyageur de 2040

  • Ultra-Connecté
  • Névrosé, stressé, dépressif, la pression de l’uniformité poussée par les réseaux sociaux a contribué à ses angoisses
  • Mobile, les frontières n’ont pour lui pas de sens
  • Besoin d’immédiateté, ne souhaite plus prévoir
  • Individualiste
  • Adepte d’une consommation durable mais abordable, éthique
  • Personnalisation, n’accepte plus la standardisation
  • Econome (capable d’économiser pour s’acheter ce qu’il souhaite), adepte des biens d’occasion.

 


 

Les vols low-cost ont permis une généralisation du tourisme et un changement de paradigme. Auparavant apparat de noblesse, il est devenu bourgeois, pour être désormais populaire. Pour une partie de la population, le voyage est devenu une quasi-norme sociale, un accessoire de consommation. Le tourisme s’est ainsi massifié et l’offre s’est peu à peu transformée en une véritable industrie. Une industrie polluante. Une industrie de loisirs standardisés, transformant lieux et paysages en parc d’attraction sans authenticité, destinations en expériences sur étagère à consommer, donnant parfois la dangereuse illusion que n’importe quelle « expérience » est à la portée de tous. Un tourisme réduisant souvent les interactions avec les populations locales à une simple relation d’offre et de demande, les séjours à une course contre la montre pour cocher des cases et « se faire des pays », les visites comme justification de ses congés au détour de clichés instagrammés. Travailler pour partir, partir et le faire savoir, voyager pour mieux travailler. La boucle est bouclée.

Le constat est lourd, sans appel et il semble urgent de revoir sa façon de voyager, de réinventer le tourisme, sans quoi ne court-on pas le risque que tout soit accentué dans les années à venir ?

 

Vers quel futur touristique ?

2040, Jean-Kévin, 30 ans, continue de penser que les voyages forment la jeunesse. La façon de voyager de ses parents a cependant complètement disparu. Digne représentant de la génération Z, cette dernière représente depuis 2030 un tiers des consommateurs mondiaux. Génération appelée tour à tour « digital native » ou « sans frontière », ses modes de consommation n’ont plus rien à voir avec ceux de ses ainés, l’approche est globale et non plus locale, les « tribus » ont pris le pas sur les frontières territoriales. En 2019, la faillite de Thomas Cook était le premier marqueur qui laissait entrevoir le bouleversement de l’industrie touristique telle qu’on la connaissait. 2040, on assiste à la généralisation de sa nouvelle ère.

 

Le premier pas vers la « téléportation », le renouveau du low-cost

Le voyage est désormais aussi bien virtuel que réel. Les agences de voyages ont disparu. Certaines de ces agences se sont recyclées et transformées peu à peu en « salle de shoot » de dopamine (Thomas Shoot). Des lieux offrent un voyage virtuel & haptique, permettant en semaine de s’évader une heure ou deux à peu de frais et ainsi de se ressourcer pour mieux travailler et surtout déstresser. Jean-Kévin a son abonnement et en est adepte, il y puise parfois de l’inspiration pour ses prochaines vacances.

 

Un tourisme guidé, algorithmique, ultra personnalisé, désintermédié

 

source : www.perspectives-de-voyage.com/travel-planner

 

En 2019, les voyageurs, dans une logique de consommation, commençaient déjà à perdre l’envie de préparer leurs séjours et préféraient le choix du « clé en main », sur-mesure, en ayant recours à des « Travel Planner ». Pour Jean-Kévin, l’idée même de préparer son voyage n’a pas de sens, les agences ont disparu mais les algorithmes ont pris le dessus. Les solutions de création de voyages sont désormais entièrement personnalisées, allant jusqu’à proposer la destination (locale ou internationale). Destination poussée en fonction de ses humeurs, de la saison, de la fréquentation, de ses centres d’intérêts et de la recommandation de ses amis. Le voyageur ne fait plus de choix, ne voyage plus pour visiter une destination pour ses paysages, sa culture, mais pour le plaisir de partir et de se désynchroniser avec son environnement habituel.

 

Expérience extrême devenue délirante et courante

Quand c’est possible, Jean-Kévin aime vivre des expériences fortes et ainsi apprendre à se connaître au-delà de ce qui était possible en 2019. La nouvelle tendance : pousser les expériences à leurs extrêmes, en se mettant volontairement en danger. Apparu dans le sillon du « Tourisme Noir » ce nouveau type de séjours « risqués » est peu à peu devenu un des secteurs les plus lucratifs de l’industrie touristique. Pour les citadins en mal d’adrénaline, il leur est désormais proposé de faire des séjours en territoire de guerre, en terrain hostile oublié du reste du monde ou sur des zones de catastrophe climatique. Le premier accident mortel aurait dû refroidir le public, mais l’aura bizarrement encouragé.

 

Hôtellerie temporaire / Ephémère : La primauté d’un lieu sans sa dégradation.

Comme beaucoup, Jean-Kévin aime voyager mais n’aime pas le faire au détriment de son confort personnel, ni au détriment de la localisation et surtout en dehors des zones d’affluence. Il aura fallu attendre un peu, mais finalement les gouvernements se sont entendus sur des règles d’urbanisme et il est devenu interdit de construire des sites d’hébergement touristiques et il est même désormais préconisé de détruire les anciens complexes pour sanctuariser des espaces et laisser la nature se les réapproprier. En 2035, la Grande Motte est rasée après 70 ans d’existence et est transformée en un parc naturel protégé. Le secteur hôtelier, ayant anticipé les choses, s’est concentré sur le caractère temporaire et éphémère de ses résidences. Imprimés pour une saison touristique, les nouveaux lieux d’accueil répondent aux standards du confort, le tout dans des matériaux biodégradables, biosourcés, pour des installations respectueuses de l’environnement.

 

Immédiateté et Hyperloop, les distances abrogées

via GIPHY

 

Pour tous ces déplacements, plus besoin de prévoir, d’anticiper. Les lignes low-cost ont disparu pour les petites et moyennes distances. Le train, lui, s’est élevé au rang d’art de vivre, voyager en prenant son temps, dans des conditions de confort optimales. Mais pour la plupart, tous deux ont surtout été finalement remplacés peu à peu par un réseau d’Hyperloop. Plus régulier, plus rapide, il permet à tout un chacun de facilement parcourir des distances inférieures à 2000 km. Jean Kévin peut ainsi travailler à Paris, vivre à Bordeaux mais passer ses soirées à Bruxelles, sans que cela ne lui coute plus cher en temps ou en argent et sans que cela ne soit plus compliqué que de prendre le métro. Ce nouveau mode de transport lui permet de touristifier son quotidien.

 

Quand la terre ne suffit plus : le tourisme spatial

Avec le réchauffement climatique, l’augmentation du nombre de conflits et de catastrophes naturelles, l’espace est devenu le nouvel eldorado du tourisme. Ultime luxe, il permet balades dans l’atmosphère, séjours en station spatiale, voyages interplanétaires et est désormais à la portée des CSP+ à condition de faire quelques sacrifices. Jean-Kévin en rêve, mais n’arrive pour le moment pas à économiser suffisamment. Mais il entrevoie son prochain Noël autour de la lune dans la station « Space Odyssey » de Jeff Bezos et il s’imagine déjà les têtes de sa communauté virtuelle, jalouse.

 

Ce portrait nous pousse à nous interroger sur notre manière de voyager, de consommer.

A 10000 mètres d’altitude, les yeux rivés sur son hublot, on fuit son quotidien en oubliant la quête de sens initial du voyage. Ce dernier n’est plus que l’ombre de lui-même, vu comme exutoire, comme marqueur individuel, confortable, divertissant et non plus initiatique dans la connaissance de soi et surtout des autres. On assiste peut-être alors à une perte de sens du voyage.

 

Si une prise de conscience est déjà à l’œuvre et qu’il émerge d’ores et déjà de nouvelles façons de vivre le voyage, de se désynchroniser de son quotidien, à l’instar des micro-aventures, il semble important qu’elles se généralisent. Que les acteurs du tourisme s’en emparent au même titre que les particuliers. Que tout un chacun réenvisage sa façon de voyager dans des logiques plus durables, plus responsables. En espérant à tout prix éviter la vision du tourisme en 2200 de Daniel Wright et la généralisation de la chasse humaine à des fins de loisirs.

 

 

Note de veille : le tourisme à l'horizon 2040

Télécharger la note de veille au format PDF

Vous pouvez nous suggérer des thèmes que vous souhaiteriez voir traités dans une prochaine Note (ou Dossier) de Veille
veille@unitec.fr

 

AUTRES ARTICLES

février 22, 2024